La réforme du droit du bail en Wallonie

23 octobre 2018
David CHANTRAINE

Le 14 mars 2018, le Parlement wallon a adopté un nouveau Décret relatif au bail d’habitation. Il entrera en vigueur le 1er septembre 2018 et remplacera, pour ce qui concerne les habitations situées en Région wallonne, les dispositions générales relatives aux baux des biens immeubles du Code civil (articles 1714 – 1762bis CC), ainsi que les règles particulières relatives aux baux de résidence principale.

Cette modification découle du transfert de la compétence sur le bail qui a eu lieu lors de la 6e Réforme de l’Etat en 2014. Ce décret ne va pas entrainer une révolution en la matière, mais il apporte tout de même certaines clarifications et innovations. Il est notamment intéressant de souligner l’extension du contrat de bail d’habitation à de nouvelles formes d’habitat (cabanes, containers, yourtes, etc.) ainsi qu’à la colocation et au logement étudiant ; la généralisation du bail écrit pour tous les types de baux et non plus uniquement les baux de résidence principale et le renforcement des mentions minimales que cet écrit doit contenir ; l’application des normes minimales de salubrité, sécurité et d’habitabilité à tous les immeubles ; etc. En marge de ces changements, le décret « habilite le gouvernement à arrêter une grille indicative des loyers ». Celle-ci devrait être finalisée et lancée d’ici la fin de l’année 2018. Cet article ne prétend pas être une présentation exhaustive de la réforme telle qu’elle entrera en vigueur à la rentrée judiciaire de 2018. Nous avons décidé de pointer les innovations qui nous paraissaient être les plus pertinentes pour nos lecteurs.

1. Le droit commun du bail d’habitation

a. Champ d’application étendu

La première partie importante du décret concerne les « baux d’habitation » en général. Le deuxième chapitre du décret – « Dispositions générales relatives aux baux d’habitation » – devient, pour les biens situés en Wallonie, le droit commun du bail d’habitation. Une nouvelle définition est proposée pour cette notion de « bail d’habitation » et se lit comme suit : « bail relatif à un bien meuble ou immeuble ou partie de celui-ci destiné à servir de logement à l’exclusion des hébergements touristiques au sens du Code wallon du tourisme ». En d’autres termes, cette définition englobe tous les types de baux d’un bien destiné à servir d’habitation. Ainsi, le deuxième chapitre du décret remplacera, dès le 1er septembre 2018, pour les biens situés en Wallonie, les dispositions du Code civil appliquées au louage d’un immeuble en général (cfr. articles 1714 – 1762bis CC). Comme on peut le constater grâce à la définition reproduite ci-dessus, le décret ne fait pas qu’intégrer les articles du Code civil, il étend également le droit commun du bail d’habitation appliqué jusqu’alors. En effet, les dispositions du Code civil ne s’appliquent qu’aux biens immeubles. Or, dès l’entrée en vigueur de la réforme, le droit commun du bail pour des habitations qui se situent en Wallonie s’appliquera également aux biens meubles. La raison de cette modification est l’évolution des modes de vie et d’habitats, notamment le développement de l’habitat alternatif comme les yourtes, les containers, les péniches, les cabanes ou encore les caravanes. En conclusion, cette partie générale sur les baux d’habitation s’appliquera aux baux non régi par les dispositions particulières visées aux chapitres 3 (bail de résidence principale), 4 (bail de colocation) et 5 (bail étudiant).

b. Preuve de paiement des trois derniers loyers

Dès l’entrée en vigueur du décret, le bailleur aura le droit de demander au locataire les preuves de paiement de ses trois derniers loyers. Ainsi, le bailleur pourra se renseigner afin de savoir la capacité de paiement de son potentiel locataire. Bien que les bailleurs diligents demandaient déjà généralement à leur potentiel locataire ces preuves de paiement, ils auront dorénavant une base légale pour le faire.

c. Décès du preneur

En cas de décès du preneur, le bail est résilié de plein droit trois mois après le décès du preneur sans préavis ni indemnité. Néanmoins, le décret tend à protéger les personnes domiciliées, depuis plus de six mois, avec le preneur décédé au moment de son décès en leur permettant de reprendre le bail via une cession de bail.  

2. Le bail de résidence principale

Un chapitre est spécifiquement consacré au bail de résidence principale. Il s’agit d’un régime dérogatoire au droit commun qui vise une protection renforcée du preneur dans la mesure où ce dernier y établi sa résidence principale. Il remplacera, pour les biens situés en Wallonie, les dispositions de la loi sur le bail de résidence principale. Des modifications de droit impératif sont apportées mais elles ne révolutionnent pas les principes directeurs existants. Nous pouvons mentionner par exemple : a. Harmonisation des délais de préavis Le délai de préavis du preneur est dorénavant de 3 mois, alors que celui du bailleur est dorénavant de 6 mois. b. Obligation d’enregistrement du contrat de bail Le bail de résidence principale doit obligatoirement être enregistré. Cette obligation repose sur le bailleur. Tant que cette formalité n’est pas accomplie, le preneur peut quitter les lieux sans indemnité ni préavis. Il est intéressant de noter que dorénavant, une mise en demeure est nécessaire : ce n’est que si le bailleur n’a pas fait enregistrer le bail endéans un délai d’un mois que la sanction prévue pourra être appliquée. c. Indexation & révision du loyer et des charges Le décret prévoit que si l’adaptation du loyer ou sa révision a pour effet d’augmenter son montant, elle ne sera due que si le bail a été conclu par écrit et, pour un bail d’habitation portant sur un immeuble, que si le bail a été enregistré. Le législateur tend à inciter de la sorte le bailleur à procéder à l’enregistrement du bail. d. Le bail de courte durée (durée inférieure ou égale à trois ans) Il est tout d’abord prévu qu’un bail de courte durée pourra être prorogé deux fois à la place d’une seule fois, mais sans dépasser une durée totale de trois ans. Ainsi, trois baux d’un an pourront désormais être conclus successivement. Par ailleurs, un régime de résiliation anticipée est désormais prévu. En effet, un preneur pourra mettre fin au bail de courte durée à tout moment moyennant un préavis de trois mois et le versement d’une indemnité équivalente à un mois de loyer à son bailleur. Enfin, il est désormais également prévu que le bailleur a droit de mettre fin au bail de courte durée, mais uniquement la première année de location – dans les mêmes conditions de préavis et d’indemnité que le preneur.   3. Création de deux régimes spécifiques : la colocation et le bail de logement étudiant a. La colocationbr br La colocation est une pratique qui rencontre de plus en plus de succès. Il était par conséquent important de l’encadrer. Selon le nouveau régime, au plus tard à la signature du contrat de bail, un pacte de colocation doit être conclu entre colocataires. Sa date doit être reprise dans le contrat de bail afin que le bailleur puisse connaître avec certitude la nature du contrat conclu. Ainsi, pour que le régime spécifique relatif à la colocation soit applicable, il faut qu’un seul contrat de bail soit conclu entre le bailleur et les colocataires et qu’un pacte de colocation lie les colocataires. Ce pacte de collocation devra définir la répartition des charges, du loyer, l’inventaire des meubles, ou encore les modalités de remplacement au départ de l’un des colocataires. Le but étant de régler tous les aspects de la relation entre les locataires avant que les problèmes ne surviennent. Par ailleurs, une solidarité entre les colocataires à l’égard du bailleur est imposée. Cela concerne la garantie, le paiement des loyers ou encore les éventuels dégâts. Les colocataires devront, par exemple, assumer les conséquences financières lors d’un départ de l’un d’entre eux s’il n’est pas remplacé. La signature de l’ensemble des colocataires est requise afin de mettre fin au bail de colocation. Il est à noter cependant que la sortie d’un colocataire ne met pas fin au bail. Le colocataire qui souhaitera se libérer de ses obligations avant le terme du bail devra notifier un congé de trois mois au bailleur et à ses colocataires. Le décret prévoit cependant que si à l’expiration du terme de trois mois, le colocataire sortant n’est pas remplacé dans la colocation, il devra payer une indemnité. Il est intéressant de souligner l’imbrication possible entre les dispositions particulières relatives aux baux de colocation prévue dans le décret et les autres chapitres de ce même décret. En effet, si les colocataires affectent le bien d’habitation loué à leur résidence principale : les dispositions particulières du chapitre sur le bail de résidence principale et sur le bail d’habitation en général s’appliqueront également en cas de silence du régime spécifique. Il en résulte par exemple que les colocataires peuvent mettre fin au bail à tout moment moyennant un préavis de trois mois donné conjointement, et le payement d’une indemnité le cas échéant. b. Le bail étudiant Ce régime spécifique ne concerne que l’étudiant de manière individuelle. Si plusieurs étudiants concluent un bail et souhaitent bénéficier des règles relatives au bail étudiant, un bail devra être conclu séparément pour chaque étudiant – dans le cas contraire, s’il n’y a un qu’un seul bail entre plusieurs étudiants, ce bail sera soit un bail de droit commun soit un bail de colocation (si un pacte de collocation est également conclu entre eux). Bien entendu, pour bénéficier de ce régime, l’étudiant devra prouver sa qualité d’étudiant dans certaines formes et délais, sinon il tombera dans le régime du bail de droit commun. Ce bail étudiant est réputé conclu pour une durée d’un an, sauf accord des parties. Au terme de la durée d’un an, le bail prendra fin moyennant un préavis d’un mois notifié par l’une ou l’autre partie. Néanmoins, si l’étudiant continue à occuper les lieux sans opposition du bailleur, le bail est prorogé pour une durée d’un an aux mêmes conditions, sans préjudice de l’indexation. Il est possible, pour l’étudiant, de mettre fin au bail à tout moment moyennant un préavis de deux mois et le versement d’une indemnité de trois mois de loyer au bailleur. Ce préavis ne peut toutefois pas être donné après le 15 mars. Une chose intéressante à relever dans ce nouveau régime spécifique est la possibilité pour l’étudiant de mettre fin au bail à tout moment, sans indemnité, mais moyennant un préavis de deux mois, en raison de circonstances particulières :br - l’irrecevabilité de l’inscription, refus d’inscription ou abandon d’études attesté par l’établissement d’enseignement br - la cession de bail avec accord du bailleurbr - le décès d’un parent ou d’un autre responsable qui pourvoit à son entretien (incl. beau-père, belle-mère en cas de famille recomposée par exemple). En cas d’éloignement temporaire de l’étudiant en vue de la poursuite de ses études à l’étranger ou d’un autre établissement secondaire ou supérieur dans le cadre d’un Erasmus ou similaire, pour un stage, etc. (pour une durée de plus d’un mois), il est désormais prévu que ce dernier, avec l’accord explicite ou présumé du bailleur, peut sous-louer son habitation."

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